Avant de découvrir l’Asie, le terme Parc National m’inspirait inévitablement des images de complexes touristiques proprets, aux chemins bien délimités, et à l’accès central. En visitant le Khao Yai en Thaïlande en 2013, j'ai réalisé à quel point j'étais loin du compte. Le Taman Negara n'a fait que confirmer ce constat.


Il n'y a pas un chemin unique pour accéder à ce joyau. Pour notre part, ce sera une première étape d’une nuit à Temerloh, ville sans grand intérêt autre que la grande gentillesse de ses habitants. Jerantut ensuite, qui permet de rejoindre l’un des accès du parc soit par bateau, soit par bus. Manque de bol, malgré notre arrivée pas trop tardive à l’embarquement, le bateau était déjà complet. Un mal pour un bien, nous arrivons à destination plus tôt que prévu, et plus précisément à Kuala Tahan, où nous établirons notre camp de base. Le motel que nous avons réservé est assez moche, mais bien situé, les chambres sentent le propre et le gérant se montre très efficace et serviable. Un tour rapide dans la ville pour prendre quelques renseignements, et nous nous décidons sur notre programme des jours à venir. Ce soir, ce sera marche de nuit dans la jungle à la découverte des insectes locaux. Demain, balade autonome jusqu’au bassin naturel de Lata Berkoh. Et le plat de résistance pour mardi et mercredi: deux jours de trek avec un guide dans les profondeurs du parc, en passant la nuit dans la jungle.


La Night Walk fut une excellente entrée en matière. Notre guide est très affable, et nettement plus drôle que ceux que nous avons croisé ailleurs dans le parc. Il nous dit avoir grandi dans la forêt et être fils de garde forestier. Vrai ou pas, sa connaissance de la nature et sa capacité à débusquer les insectes sont impressionnantes. Araignées, sauterelles, scorpions, oiseaux, papillons, scolopendres et autres phasmes: en deux heures, nous avons eu droit à la totale, y compris un trio de daims, les premiers que voit notre guide ce mois-ci, d’après ses dires. Des moments magiques qui nous font déjà apprécier cette étape comme un des points forts de notre voyage. Traversée de la rivière en bateau pour rejoindre notre hôtel (l’accès au parc se fait par la rive opposée à Kuala Tahan), puis dodo.

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Lundi 14, 22.47. Quelle journée ! Commencée tôt - mais en retard - par un passage au centre d’information du Parc. Nous visions d’aller jusqu’à Lata Berkoh, une cascade située à 8 km au Nord de notre camp de base. 8 heures de marche aller/retour, sachant que la nuit tombe dès 17.00. Jouable, mais serré. On se met donc en route. Très vite, on quitte les sentiers en bois bien balisés pour s’enfoncer dans la forêt. Emerveillement. Les cris d’animaux (oiseaux et insectes essentiellement), la piste parfois à peine visible, la moiteur, les lianes qui barrent le chemin et les arbres gigantesques nous plongent droit dans les romans d’aventures du siècle dernier. Professeur Jones, nous voilà ! Nous avons même l’honneur de nous faire courtiser par des sangsues, particulièrement nombreuses et voraces sur ces sentiers. Rose surtout, qui tente tant bien que mal de maintenir son sang-froid face à leurs attaques incessantes. La lutte s’annonce vite inégale, et bientôt, 5-6 bêbetes sont en train de festoyer sur nos jambes. Arrêt improvisé pour se débarasser des monstres avec les moyens du bord, moment de panique pour ma comparse alors qu’un spécimen assez énorme s’attache à sa cuisse. En dehors de cette anecdote, Rose fait preuve de beaucoup d’entrain et de courage et apprécie la balade, bien décidée à mériter ses galons d’aventurière. ;) Encore deux bonnes heures de marche et nous arrivons, détrempés de sueur et d’humidité, à Bumbum Tabing, tour d’observation située à mi-chemin de notre parcours. Damn ! Malgré notre motivation, nous ne parvenons pas à trouver la piste au delà de celle-ci. Après un petit moment de recherche, nous décidons de jouer la prudence: la nuit pourrait rapidement nous surprendre, et la perspective d’une visite nocturne sans guide ne nous enchante guère. Nous prenons donc le chemin du retour, non sans nous être baigné dans la rivière, un peu avant de revenir sur les sentiers balisés. Moment de fraîcheur savoureux et savouré après cette éprouvante marche.


Le soir, après une douche, une sieste et une bière réparatrices, nous allons organiser notre trek du lendemain. Problème: nous commençons à être à court de cash et impossible d’en retirer dans le village. Là où en Thaïlande, on trouve des ATM au moindre coin de rue et dans les villages les plus reculés, la Malaisie est plus avare en la matière. Ni le Lonely Planet, ni le Routard ne nous ont mis en garde contre cette situation, et on commence gentiment à baliser quand on réalise qu’entre les nuits d’hôtel supplémentaires, le trek du lendemain et le transfert vers notre prochaine étape, il va nous falloir plus de 500 ringgits (100 EUR, une petite fortune ici). L’hôtel de luxe situé à l’entrée du parc ne peut pas nous aider, à l’inverse du gérant du plus gros tour-operator de la ville: il dispose d’un terminal à cartes et accepte de nous laisser retirer du liquide. Moyennant une commission de 20%. Doucement abusé, mais nous n’avons pas trop le choix. Passage rapide à l’hôtel et petite satisfaction: notre programme est booké et payé pour les 5 prochains jours.


Demain matin, c’est le grand départ pour deux jours de trek dans les profondeurs de la forêt. Rose a déniché du sel, les sangsues n’ont qu’à bien se tenir !


[A suivre: Chapitre 5 - A la poursuite du Kuala Keniam]