Autant le dire de suite: les transports malaisiens sont très différents de ce que j’avais expérimenté jusqu’ici en Asie. Différent pour le pire: les lignes directes sont rares et obligent à faire des changements qui coûtent cher en temps. Différents pour le meilleur: le bus qui nous emmena jusqu’à Malacca était probablement le plus confortable que j’ai éprouvé; fauteuils extra-larges et inclinables quasiment à l’horizontale. On en vint presque à regretter que le trajet ne dure que 2 heures.


Niveau confort, nous fûmes également servi en arrivant à l’Hôtel Moty, réservé la veille un peu à l’arrache. Un vrai petit palace, sans exagération, et un contraste hallucinant avec la pension défraîchie de Kuala Lumpur (7 EUR de différence entre les deux, tout de même). Immense salle de bains avec baignoire, clim silencieuse, grand lits moelleux, room-service… et une magnifique piscine intérieure, avec sauna et hammam ! Bref, pile ce qu’il fallait pour me remettre d’aplomb. \o/


Bonne pioche, tant Malacca nous séduit dès le premier coup d’oeil. La ville fut le premier port de Malaisie, et sa position stratégique en tant que comptoir d’échange, au centre de l’Asie, en fit l’objet de toutes les convoitises au fil des âges. La ville naît au début du 15ème siècle, et va voir se succéder de nombreux maîtres: après l’époque des Sultans, ce sont les Portuguais qui règnent sur la ville pendant plus de 150 ans, avant d’être délogés par les Hollandais. Ce furent ensuite les Britanniques qui n’eurent de cesse de conquérir ce centre commercial majeur, avant que les Japonais ne s’en emparent, quelques décennies à peine avant l’indépendance de la Malaisie. De nombreux bâtiments aux styles coloniaux se mêlent aux édifices d’inspiration plus locale, dans un mélange au charme très particulier. Ajoutez à cela quelques touches typiques du sud-est asiatique - rickshaws kitchissimes qui s’éclairent de mille feux à la tombée de la nuit, douceur de vivre, marchés de nuit et autres étals de street food - et on comprend aisément que l’on puisse tomber amoureux de l’endroit (*wink* Vincent).


Le centre historique abrite une petite dizaine de musées, réunis autour de la colline centrale, à l’entrée unique et à l’intérêt inégal. Le musée de l’histoire de la ville fut sans doute le plus intéressant: trahisons, histoires d’amour impossibles, figures héroïques, complots et autres batailles épiques émaillent le fil d’une saga qui n’aurait rien à envier à Game of Thrones ou aux Rois Maudits. Le reste fut surtout l’occasion d’une balade sur les hauteurs de la ville, et de quelques fous rires dans la Maison du Gouverneur, tant y semblent exposés tous les bibelots que l’ancien locataire y aurait abandonné: de sa vaisselle aux maillots de foot dédicacés en passant par ses haltères personnels.


Evidemment, notre séjour ne fut pas constitué que de découvertes culturelles ou autres moments d’érudition. Il y eut des découvertes miam-miam: le fameux coconut shake de Malacca, ou encore Capitol Satay, restaurant de fondue à volonté, tenue par la même famille depuis 4 générations. Vu notre état de forme, on a pas trop osé se risquer sur le bizarre, mais on a apprécié. Il y eut aussi du grand n’importe quoi. Comme ce passage devant un temple chinois. Qui visiblement, fait aussi karaoké. Rose frétille. “On regarde, on regarde ?”

Ah oui, c’est amusant, un mélange de locaux et de touristes U.S. qui poussent la chansonnette devant une télé plus vieille que votre serviteur (c’est dire). Rose trépigne. “On rentre, on, rentre ?”. A peine la porte passée, on nous installe deux chaises. Le piège se referme. Rose ne se tient plus. “On chante, on chante ?”. J’ai beau faire non de la tête, je sais déjà que je n’y échapperai pas. Il faut dire que le jeune couple malaisien assis à côté de nous ne m’est pas d’un grand secours, la jeune fille étant visiblement bien décidée à apprécier l’organe de Rose. Et nous voilà donc, pauvres farangs inconscients, en train de nous produire devant un public clairsemé de malaisiens - les jeunes américains ayant lâchement quitté le navire sitôt leur chanson terminée, bonjour la solidarité occidentale - mi-amusés, mi-médusés, tant nos performances vocales offrirent une interprétation très particulière de California Dreaming (j’imagine ici le facepalm de tous ceux qui m’ont déjà entendu en live). Évidemment, l’entière responsabilité de cette humiliation me retomba instantanément dessus puisque, je cite ma complice, “c’est toi qui a choisi la chanson” alors que “je ne la connaissais absolument pas”. Heureusement, le répertoire local ne comprenait pas les classiques de la variété française, sinon je pense que nous y serions encore au moment où j’écris ces lignes. J’ai eu chaud (et Malacca aussi).


Niveau santé, ça s’annonce mieux, même si ça n’a pas été sans mal. J’ai dû harceler mon toubib par téléphone pour obtenir les résultats d’analyses faites mi-juillet. Bad news, si je veux oblitérer mes maux de ventre, je suis bon pour une cure d’antibios. A moi de me débrouiller pour les trouver ici, et ce n’est visiblement pas mon contrat d'assistance - AVI International - qui me sera d’une grande aide. Mais je suis plein de ressources (et j’ai surtout la chance d'avoir un paquet d’amis assez exceptionnels): en 20 minutes et deux coups de fil, j'obtenais le précieux sésame et me procurais de quoi me soulager durablement. Verdict dans une dizaine de jours.


Au milieu de tout cela, l’un ou l’autre plongeon dans la piscine, un réveil à l’aube pour admirer le lever de soleil sur Masjid Selat (dite La Mosquée Flottante), des petits-déj’ à la hauteur de notre palace, et quelques laborieuses séances d’analyse pour s’accorder sur la suite du voyage. Et surtout sur les routes à emprunter. Car plus qu’ailleurs dans la région, tout semble se mériter en Malaisie.


Mais la décision est prise: demain, nous nous mettons en route vers les profondeurs du Taman Negara, immense parc national au coeur de l’une des plus anciennes forêts tropicales de notre planète.